Un de perdu, dix de retrouvés

Les enfants consomment 500 à 1000 heures de programmes par an. Les premiers héros qui leur viennent à l'esprit sont naturellement ceux de la télévision. Il ne rêvent pas du « Petit Poucet » de la « Belle au Bois Dormant » comme le regrette dans sa lettre Thérèse Al Saleh (de Voisin le Bretonnaux). Ils ne rêvent pas davantage, ou peu, de Robinson Crusoé ou de d'Artagnan. Non. Les enfants penchent plutôt pour les intersidéraux musclés, style Musclor ou Shera ou Jayce. Ce qui ne les empêche pas d'aimer aussi les anti-héros genre inspecteur Gadget, distrait, mais doté de ressources miraculeuses ; ou Clémentine, infirme mais capable, grâce à son courage, de voyager dans le temps. Et que Christine Malfettes (de Kaiserslautern) se rassure, « les autres, les classiques, tels que Mickey, Lucky Luke, Zorro et Ivanhoé » ne sont pas relégués au cimetière des nuls. Bien que la mode soit aux espaces intersidéraux, ces classiques n'en appartiennent pas moins à un fond culturel héroïque qui résiste au temps. Les aventures de Zorro, en noir et blanc, ont réussi, vingt ans après leur création, à séduire la nouvelle génération.


Les gentils et les méchants

Mais, sur fond de conquête spatiale, de galaxie destructrice, de robots vengeurs, les héros ne font-ils pas l'apologie de la violence ?

Maryvonne Vergnol (de Pissy Poville) comme beaucoup d'entre vous, en est persuadée : « Je récuse ces émissions simplistes, manichéennes, présentant une vision gratuitement et uniquement violente du monde : rapports de domination, forces de destruction. »

C'est vrai. Beaucoup des héros proposés aux enfants font usage de violence. Ils se sont même multipliés sur les écrans à mesure que le temps réservé aux enfants s'est étendu. Mais, tout robots ou dotés de pouvoirs spéciaux qu'ils soient, c'est toujours pour combattre les « méchants » et défendre les « gentils » que ces héros font appel à la violence. Ils sont courageux, audacieux, justiciers ou du moins soucieux de ne pas faire le mal, comme Zorro ou Tintin avant eux. Ce combat éternel, celui des bons contre les méchants, tous les enfants le connaissent par cœur, mais ne s'en lassent pas. Ce qui fait dire à Dominique Couturier (d'Aunac) qu'« on laisse souvent l'enfant seul avec une morale rudimentaire », qu'« on ne l'aide pas à progresser ». Sauf !… sauf dans certaines séries comme « Les Mondes Engloutis » (on pourrait encore citer « Clémentine », « Astro », « Ulysse 31 »). « Tolérance, courage, respect des mythes, respect des faibles, contestation de l'ordre établi quand c'est nécessaire, cette série tranche nettement sur les autres. Spartakus n'a recours à son bracelet que quand il n'a pas le choix, les méchants le sont plus par bêtise que par essence, ils ne sont pas écrabouillés par les bons. Mais la violence existe aussi dans la vie ! »

Cette référence à la vie – bien réelle celle-là, à l'opposé de la fiction des séries télévisées – vous êtes plusieurs à la faire. Un enfant de 4 ans commence à faire la différence entre réalité et fiction. Un reportage sur la guerre au Liban, la famine au Sahel… est probablement plus traumatisant qu'un épisode de Jayce.


Une laideur à donner des cauchemars

« Les dessins animés de science fiction font peur, donnent des cauchemars, sont très laids » remarque Carole de Graslé (de Paris). Il faut bien l'avouer, les crapauds, loups garous, sirènes des livres d'hier étaient moins envahissants que cette armada de monstres hétéroclites, de créatures monstrueusement déformées qui habitent de nombreuses séries de science fiction.

Quant à leur environnement naturel, il est souvent un savant mélange d'éléments disparates. Préhistoire, Moyen Âge cohabitent très bien avec la technologie la plus avancée, les robots les plus perfectionnés. Des vaisseaux interplanétaires survolent des châteaux hantés, des chauves-souris géantes frôlent de leurs ailes la carapace lisse des robots. Tout se mêle et s'entrecroise. Tout est possible parce que rien n'est réaliste. Cette atmosphère fascine tant les enfants qu'ils prolongent spontanément dans leurs jeux les féeries et les maléfices découverts sur les écrans. Qu'importe pour eux la laideur, la monstruosité, ou la mauvaise qualité graphique.

Cela dit, ces univers ne sont pas forcément recommandés pour tout le monde, surtout pas pour les petits émotifs. Chaque rencontre avec un héros doit se faire en son temps. Certains enfants ont peur d'avoir peur, peur de faire des cauchemars. Et si Skeletor surgissait, phosphorescent, au milieu de la chambre ! Et si le tigre de Musclor se mettait à rugir dans la nuit ! Si un enfant est effrayé et ne trouve pas en lui-même le courage de quitter l'écran, c'est bien aux parents de lui faire la grâce de détourner son attention… et de tourner le bouton !


Fort comme Musclor

Bizarre quand même, un tel attrait pour ces êtres hors du commun, tous ces héros venus d'ailleurs ?

Béatrice Delcourt (d'Auxi-le-Château) a sa petite idée là-dessus. Son fils Raphaël a des difficultés à l'école. « Quelle joie pour lui de retrouver Astro sur l'écran, de le regarder réussir ses exploits. Raphaël s'identifie à lui et devient alors le plus fort. La vie comporte une part de rêve qui aide à surmonter les difficultés. »

Les héros ont toujours quelque chose d'exceptionnel, d'extraordinaire pour les enfants. Il y a ceux qu'ils admirent, et ceux auxquels ils s'identifient, plus ou moins consciemment, le temps d'un rêve ou d'un jeu avec un copain : « moi, j'suis Jayce, et toi t'es… »

Quels qu'ils soient, les héros sont tous capables de performances prodigieuses. Ils sont forts et jamais perdants. D'autant plus forts que les enfants se sentent plus ou moins confusément fragiles et impuissants. Les héros leur offrent un modèle idéal de courage, de générosité vers lequel tendre ; un exemple de conduite à suivre.

Les enfants font un bout de chemin avec eux. Ils s'y attachent parfois de façon intense mais généralement éphémère. Leurs concepteurs portent donc une lourde responsabilité. Les dangers : que ces héros soient de mauvais exemples. Ou que, trop éloignés de la réalité quotidienne, d'une référence familiale ou sociale, ils ne puissent devenir des modèles.


L'autre invasion

On le voit, les héros T.V. sont loin d'être innocents. Ils ne se contentent pas de répondre à un besoin d'évasion et d'imaginaire particulièrement développé chez les enfants. Ils participent à la structuration de leur personnalité.

Mais, non contents d'intervenir sur l'écran, ils prennent souvent aussi possession de l'univers quotidien. Cartables, trousses, crayons, tee-shirts, poupées, peluches, bonbons, jouets de tous ordres sont régulièrement conçus à l'effigie des héros. Six mois avant les débuts sur l'antenne fin 86, de « Mon petit poney », celui-ci envahissait déjà les rayons jouets des grands magasins. Même phénomène pour les Snorkys – ces personnages sous-marins sélectionnés par TF1 pour concurrencer les Schtroumpfs. Chaque série télévisée est ainsi précédée, accompagnée ou suivie d'un véritable matraquage commercial qui ne laisse pas les enfants indifférents !

Martine de Sauto

LES MONDES ENGLOUTIS  A2

Depuis le jour du grand cataclysme, les hommes de la cité d'Arkadia vivent au centre de la Terre, dans la paix et le bonheur. Et puis un jour celui qu'ils appellent Shagma, leur mystérieux soleil, tombe malade… Les enfants d'Arkadia décident alors de demander de l'aide aux enfants de la Terre. Arkana leur messagère accompagnée de Bob, Rébecca et Spartakus, commencent alors un tumultueux voyage qui leur fera traverser des mondes inconnus, inquiétants, et des civilisations allant de I'âge de bronze à l'ère post-atomique…

• un grand récit de science-fiction
• grand dessin animé réalisé entièrement en France
• souvent difficile à suivre pour les plus petits.

 

ASTRO LE PETIT ROBOT  TF1

Futuropolis 21e siècle, la technologie de la robotique est si perfectionnée qu'elle permet de réaliser des robots aussi parfaits que des êtres humains. Un savant crée un enfant robot – Astro – doté d'intelligence, il a tout d'un vrai petit garçon, mais possède aussi une force et des talents extraordinaires. Astro se met au service de la paix et de la justice dans l'univers.

• science-fiction
• un univers un peu simpliste
• la diffusion de ce dessin animé est assortie d'un concours.

 

CLÉMENTINE  A2

Paralysée à la suite d'un accident d'avion, Clémentine, petite fille âgée de 10 ans, découvre qu'une puissance maléfique est à l'origine du drame : Malmoth. Héméra, ennemie éternelle du mal, décide de redonner espoir à Clémentine. Ensemble, elles voyagent dans le temps, rencontrent les héros des plus belles légendes. Oliver Twist dans les bas-fonds londoniens, Pinocchio dans la Venise du XVIe siècle, Aladin et les mystères de l'Orient… déjouent les pièges du maléfique Malmoth.

• aventure et monde de l'aviation
• pas un héros mais une héroïne
• dessin animé d'auteurs français fabriqué au Japon. Un peu long pour les plus petits.

 

ULYSSE 31  FR3

Aventure mythologique enrobée de combats et de cataclysmes. Au cours de leur voyage, Télémaque et Nono le petit robot rencontrent des planètes. Sur chacune d'elles, une épreuve les attend. Sur Eole, planète des vents, ils rendent la petite Eolie à son père…

• odyssée spatiale
• le père d'Ulysse (et de l'inspecteur Gadget) s'est taillé un empire à Hollywood. Il est français et se nomme Jean Chalopin.

 

JAYCE  TF1

Aidé par Gilian le magicien, Flora, une petite fille, et Oon une armure que tout effraie, Jayce, 19 ans, part dans le cosmos à la recherche de son père, qui possède l'autre moitié d'un « secret ». Ils luttent contre les véhicules maléfiques, monstroplantes qui envahissent les planètes. Au cours de leur voyage, ils libèrent les peuples.

• action, aventure et fantaisie
• la variété des cadrages supplée à une animation pauvre, répétitive
• l'humour et le merveilleux rattrapent la banalité du sujet
• pour plus grands.

 

BIBIFOC  A2

Un petit garçon, Tommy, soustrait Bibifoc aux chasseurs. avec Ayma, jeune esquimaude, il se donne pour mission d'intervenir partout où la cause animale et l'équilibre écologique sont menacés.

• un ton très démonstratif
• pour les plus petits
• série française réalisée en Belgique.

 

LES MAÎTRES DE L'UNIVERS  A2

Musclor et Tila parviendront-ils à bout d'Océanor, souverain à tête de Congre, et de Skeletor, dont le faciès sulfureux semble ricaner de cruauté ? Shera, sœur de Musclor, aura-t-elle raison de Hordak, chef de la horde ? Les batailles font rage autour du château maléfique des méchants, bordé de Hyènes rougeoyantes et de serpents dressés, et au dessus du château des ombres, celui de Musclor, guère plus engageant.

• science-fiction
• les recettes habituelles de l'animation à la japonaise sans grande originalité.